Le premier, en 1923, dans Là-Haut, Maurice Chevalier chante, (paroles d'Albert Willemetz,
musique de Maurice Yvain) un air célèbre, "Si vous n'aimez pas ça" dont le
second couplet dit :
La saison dernière Dans un trou pas cher Je prenais mes bains d'mer Sans maillot D'ailleurs à quoi
bon Porter un cal'çon ! Voir un joli garçon C'est si
beau J'prenais donc mes aises Quand une vieille anglaise Tout à coup surgit Et rugit Ah ! Fit-elle ! mon Dieu Comme c'est affreux
J'répondis d'un air gracieux : Si
vous n'aimez pas ça N'en dégoûtez pas les autres Les
beautés d'votre pays Sont elles différentes des nôtres ? Dans mon p'tit complet Qu'est-ce qui vous déplaît ? Je
vous en supplie Voyez vous un pli ? [...]
En dehors de ce site, je produis depuis de longues années une
gigantesque histoire de la comédie musicale théâtrale en France durant
l'entre-deux-guerres. Quel rapport avec le naturisme ? Eh bien, (en
cherchant un peu, quand même !) il y en a un... On pratique en effet beaucoup le naturisme dans les comédies musicales
des années 20 et 30, et pas seulement parce que le music-hall est le
lieu traditionnel des petites femmes déshabillées.
Un film naturiste des années 50, contient un
pot-pourri où figure
une version "pirate" de cette chanson, avec des paroles un peu
modifiées :
Si vous n'aimez pas ça N'en dégoûtez
pas les autres Tout l'monde n' pas sur nous le même
avis que le vôtre Semblent répondre en choeur tous ces
gens nus Nous on fait comme le nègre on continue Si
vous n'aimez pas ça N'en dégoûtez pas les autres
Juste après, figure dans le même film un remake inattendu du
Véronique de Messager :
De ci de là cahin caha va nudiste va persiste va mon bonhomme va De ci de là cahin caha ce que je dis ne t'intéresse pas De ci de là cahin caha va nudiste va persiste va mon bonhomme va De ci de là cahin caha Ta bonne santé t'en récompensera
on entend ces deux airs dans le documentaire de Robert
Salis "A la recherche du paradis perdu"
Quelques mois plus tard, dans La Dame en décolleté, Dranem chante (paroles d'Yves Mirande et
Lucien Boyer, musique de Maurice Yvain, 1923), les "Couplets des bains
de mer" qui commencent ainsi :
Sitôt à Deauville Devinez ce que
j'aperçois ? Je vous l'donne en mille... J'aperçois
la mer devant moi ! Alors je me mets tout nu Comme
un Jésus, comme un Jésus, Et j'me baigne comme les poissons,
Sans mon cal'çon, sans mon cal'çon
En 1925, dans PLM, qui se passe à bord d'un train, le nudisme est un
des moteurs de l'histoire puisque le couple de jeunes premiers,
après une séance de baignade en petite tenue, se fait voler ses
vêtements et se retrouve, durant toute le premier acte de la
pièce, nus sous des manteaux... qui se trouvent mystérieusement
échangés après un passage sous un long tunnel ! Il chantent
(paroles de Rip, musique de Henri Christiné) un air sans ambiguïté : "Tous nus !"
- La mer semblait être un grand
lac,
Flac !
Je plonge, et flottant sur de vagues
Vagues !
Je fais la planche mollement
- Vous devez faire apparemment
La planche difficilement
- Gardez pour vous vos boniments
- Moi dans la mer je fais un bond,
Bon !
Et je fends l'onde que ma coupe
Coupe !
Et puis je fais la planche aussi...
- Si j'ose m'exprimer ainsi,
Je vois cette planche d'ici !
- Je n'ai pas compris, Dieu merci !
Et nous allions, tout nus, tout nus,
Sans maillots saugrenus,
Par les flots soutenus,
Vers des rivages inconnus,
Ou seraient parvenus, tout nus,
Nos corps ingénus, Nus !
Ah ! Dire qu'un peu plus,
Nous nous serions connus,
Nus ! Tout nus !
- Alors, me mettant à nager,
J'ai
Rêvé que j'étais des sirènes
Reine,
L'écho redisait ma chanson...
- Sirène ! J'en ai le frisson,
On finit en queue de poisson !
- Vous allez trop loin, mon garçon !
- Mon corps, dans ton royaume amer,
Mer !
Tel celui d'un nageur en vogue,
Vogue !
Enfin je reviens doucement,
- Comme moi malheureusement,
Pendant qu'nous barbotions gaîment...
- On barbotait nos vêtements
Et nous étions, tout nus, tout nus,
Serions nous bienvenus,
Aux dîners convenus ?
La pudeur nous a retenus,
Nous somme revenus, tout nus,
En haillons biscornus, Nus !
S'ils n'étaient revenus,
Que fût-il advenu ?
Nus ! Tout nus !
En 1929, la pièce Arthur (livret d'André Barde, musique d'Henri Christiné) raconte
les aventures d'un masseur, interprété par Louis Boucot. Bien que le synopsis de la pièce n'en fasse pas état, la version
filmée en 1932 par Léonce Perret (sous le titre Arthur ou le Culte de
la beauté) est résumée ainsi :
"Le directeur d'un institut de beauté, masseur en vogue et apôtre du
nudisme, est aussi un mari trompé. Il est attiré par la grâce soudaine d'une
cousine venue de loin et qui paraissait laide à son arrivée."
C'est qu'entre 1929, date de la création de la pièce au théâtre et son
passage au grand écran, a eu lieu la révélation de la danseuse Colette
Andris (qui joue dans le film). Ce fut la première danseuse nue qui monta
sur scène sans le moindre cache-sexe.
En 1930, la pièce Nudist Bar ("Wunder Bar" dans la version originale allemande)
contient la "Chanson du nudisme" (paroles françaises d'André Mauprey,
musique de Robert Katscher), qui mérite bien une citation complète :
On sait que le Seigneur
Nous a pour son malheur
Créés vêtus de notre impudeur
Donc c'est un gros péché
Que de vouloir cacher
Tous les trésors qu'il nous a donnés !
On s'met tout nu,
Car c'est un fait connu,
Rien n'est plus ingénu
Qu'un corps tout nu.
Un sein pointant
Est bien moins excitant
Quand on le voit dûment
Sans vêtement.
Tous les tissus fins et ténus
Font espérer
Sans rien montrer,
Plus d'imprévu
Lorsque l'on a tout vu,
Au nom de la vertu,
On s'met tout nu.
On doit se dévêtir
Peu à peu sans rougir
C'est une épaule qui doit surgir
Puis le décolleté
Doit être dévoilé
On n'sait pas où ca peut s'arrêter !
(refrain)
Si cette mode prend
Partout petits et grands
S'habilleront comme Eve et Adam
Et notre Président
Doumergue souriant
Paraîtra sur l'écran en chantant : (refrain)
Et puis il y a une quantité de chansons qui vantent la simplicité des mœurs
et des costumes indigènes des îles lointaines, que ce soit les Papous de Bouche à bouche, les Tahitiens de
Pépé (Paroles d'André Barde, musique de Maurice Yvain, 1930) :
Ah ! Viens à Tahiti Tu verras
c'est gentil L'été comme l'hiver On vit nu comme
un ver Et candide L'on exhibe L'endroit comme
l'envers
... ou les Zoulous de Trois jeunes filles nues (paroles d'Albert Willemetz,
musique de Raoul Moretti, 1925) :
Ils sont moins bêtes que nous Chez les Zoulous Car avant d'être époux On s'montre tout Les fiancés s'promènent Nus sous les bambous Ils sont
moins bêtes que nous Chez les Zoulous
... et je ne résiste pas à cet admirable aphorisme (belge),
dans Princesse des Pyramides (paroles de
Guillot de Saix, musique de Lionel Renieu, 1934) :
Ah ! Les Nubiens ! Ah ! Les Nubiens ! Quand ils sont nus comme ils sont bien ! Très excitants, très ingénus Comme ils sont bien quand ils sont nus !
Enfin, en 1936, dans la version filmée de Toi c'est moi, Jacques Pills et Claude May, qui joue le rôle d'une
sauvageonne très nature, façon Paul et Virginie, prennent un bain de mer
dans le plus simple appareil.